Allez, hop !
Le début d'une nouvelle que j'écris pour le concours de la nouvelle de Nanterres
~ oOo ~
Les branches fouettaient son visage vert et ses pieds frôlaient à peine le sol. Courant à toute boulline dans les bois, la dryade jetait de nombreux regards inquiets en arrière, soucieuse de ne pas être suivie. Ce n'était apparemment pas le cas et elle courait toujours. Toujours tout droit, toujours plus vite, immuable. Ses grands yeux rouges, bien que dénués de pupilles, semblaient dilatés par une horreur sans nom. Ses pas se faisaient de plus en plus allongés. Elle ne courait ni après un quelconque brigand, souilleur impie de l'harmonie de cette forêt, ni après un animal dangereux à éliminer. Non. Elle courait après le temps.
Elle courait après le temps perdu, gâché, inutilisé, oublié... Elle poursuivait toutes ces heures perdues, tous ces jours cachés dans les méandres de la mémoire faillible des hommes. Sa mission était des plus importantes.
Derrière elle, ce qui aurait pu la suivre était le temps plein, le temps saturé, étreint dans un gant d'activité incessante. Le temps qui manquait était encore loin mais peu à peu la rattrapait. C'était pour cela qu'elle ne le voyait pas. Pourtant, il était là, il courait lui aussi. Ses enjambées devenait plus longues, plus légères, mais aussi plus rapides.
La dryade entendrait bientôt sonner le gong de sa dernière heure si elle ne se dépêchait pas. Écartant les branches sur son passage, piétinnant l'herbe verte et fraîche de ses pas, tassant les feuillages dans le sous-bois, elle continuait de voir défiler le paysage à une allure folle autour d'elle.
Aussi nue qu'au premier jour de son existence, vêtue d'un seul arc et de sa flèche, la dryade parcourait maintenant la plaine. Les arbres s'étaient effacés et avaient laissé place à une étendue herbeuse. Son allure ralentit, un point de côté s'insinuant pernicieusement dans son corps. Elle s'arrêta, souffla un peu et posa sa belle main sur sa hanche droite. C'était douloureux, ça faisait horriblement mal. La dryade prit cela comme un signal, comme un avertissement... Son ennemi avait gagné plus d'une enjambée sur elle. Il arrivait.
L'aiguille qu'elle était n'avait pas réussi sa mission. Soupirant de dépit, elle s'empara de son arc et sortit son unique flèche. Elle banda son arme et la pointa vers l'Ouest, dans la direction de sa poursuite. Elle visa avec précision et soudain, décocha le trait. La flèche s'envolait dans les airs en un tir rapide. Lorsqu'elle se piqua dans la terre, la dryade se retourna. Là, à la lisière de la forêt, deux yeux rouges brillaient. Ils se précipitèrent sur elle...
La nuit tomba d'un coup en même temps qu'un cri d'horreur et d'affliction. Le voile nocturne cacha le festin de la bête du temps saturé aux yeux de tous et, là où il faisait encore jour, à l'autre bout de la plaine, une dryade courait. Elle tenait une flèche à la main et son arc dans l'autre. La flèche de la première déesse de la nature avait disparu. Enfin, pas complètement... elle continuait son chemin en de grands sauts rapides, sous une autre forme.
Le monstre avala sa proie dans un gargouillement horrible et renifla l'air. Il repéra sa cible suivante. Lentement, il leva une patte, puis l'autre. Il commença à marcher doucement puis, peu à peu, il courut. Ses foulées s'allongèrent. Bientôt, il parcourait la terre aussi vite que la dryade devant lui.
Cette dernière continuait son chemin à toute vitesse, imperturbable. Son regard rouge brillait d'une folle lueur d'espoir, flamèche fragile résistant aux bourrasques envahies par les embruns de la mer.
Sur le bel horizon se découpait, entre les tons de rose et d'orangé du couchant, la silhouette d'une cité merveilleuse. De charmants reflets chatoyaient autour de cette ombre encore lointaine.
Critiques ? *se ronge les phalanges, déjà !*