et hop le début de la toute dernière nouvelle que j'ai écrite.
bonne lecture... enfin j'espère
Sous le ciel sans astre, Huitzilopochtli se frayait un chemin à travers la végétation luxuriante des terres de Tlalocan. Il courait vers sa perte, Tlaloc le savait, mais il n'osait pas encore se l'avouer. S'aidant de son bâton orné de plumes de héron, il suivait et regardait dédaigneusement le jeune et fougueux guerrier. Huitzilopochtli avait la peau si mate qu'elle se rapprochait de la couleur de jais de ses cheveux. Il portait une armure jaune et bleue matelassée de coton et arborait un casque de bois ressemblant à une tête d'aigle orné de plumes de colibri. Javelines dans le dos, atlatl en forme de serpent à son côté, il repoussait à l'aide de son bouclier de roseaux les fougères et tranchait les plantes plus robustes avec son épée de bois incrustée d'éclats d'obsidienne. Son image flamboyante reléguait celle de Tlaloc à un homme frêle et vieillissant. Il était vêtu d'un long manteau quadrillé de bleu et de vert et noué à l'épaule. Sa peau ridée était plus claire et une sorte de paire de lunettes d'or cerclait ses yeux. Il semblait ne posséder comme seule arme que son bâton de marche.
-«Mon ami, je suis heureux que vous m'accompagniez dans mon périple quotidien. Mais je ne puis me permettre le moindre arrêt. Il vous faudra, je le crains, abandonner ou vous surpasser.» Lança le guerrier d'un air de défi.
Il abattit son arme sur un enchevêtrement de fougères, racines et branches basses d'où jaillissaient des orchidées aux formes et couleurs envoûtantes.
-«Seigneur, nul besoin de vous inquiéter, vous savez pertinemment que mon pouvoir est l'égal du vôtre. Aujourd'hui, en voyageant ensemble, les forces lunaires n'ont aucune chance de vous arrêter.» Rétorqua Tlaloc en prenant grand soin de suivre la piste dégagée par son compagnon.
Il ressentit une douleur forte et brève à l'estomac, elle était un appel du remord. Tlaloc l’ignora, il était conscient de son mensonge mais les paroles entendues, il y a peu, avaient attisé une colère plus forte que tout le reste.
-« ha ha ha ! Vous êtes peut-être mon égal mais la jeunesse et la beauté sont pour moi ! Et mon courage m'a apporté le statut de suzerain. De ce fait je suis et resterai la personne la plus idolâtrée.» Répondit Huitzilopochtli fier et hautain. Il avança dans l'imbroglio végétal qui venait de dégager.
-« Pourtant la plus belle femme de ce monde est mienne !» Répliqua Tlaloc
-« cela je vous l'accorde mon ami. Serez-vous la conserver indéfiniment ? N'est-elle pas simplement aveuglée par votre pouvoir que moi-même j'ai appris à respecter ? Un conseil ; ne vous négligez pas et ne la négligez pas …» Huitzilopochtli pris le temps de se retourner et d'envoyer un sourire provocateur au vieil homme.
Frappant violemment le reste d'une fougère sectionnée, l'homme aux lunettes d'or essayait de contenir sa colère. Ce que venait de dire son compagnon confirmait ce qu'on lui a révélé. Les jointures des doigts de Tlaloc blanchissaient sous la force haineuse qu’il déployait en serrant son bâton. Comment avait-il pu croire qu'il pouvait être aimé pour ce qu'il était ? Comment avait-il pu croire que la beauté la plus extraordinaire de Tlalocan avait accepté de l'épouser par amour ? Tout était maintenant clair, et cela lui faisait très mal. Sa jeune épouse n'avait accepté le mariage que pour se rapprocher de Huitzilopochtli et attirer son attention. Un être aussi fier et imbus de sa personne ne pouvait pas manquer de relever le défi. On lui a pourtant dit que le suzerain cherchait à séduire sa femme. On lui a pourtant dit que sa magnifique épouse minaudait. On lui a pourtant révélé les infidélités de celle ci. Mais il ne voulait pas y croire. Se torturant corps et âme, il s'était caché la vérité en vain. Maintenant il savait.
De nouveau son estomac lui faisait mal, mais cette fois si la douleur était une brûlure. Le feu de la déception et de la haine le consumait. Huitzilopochtli courait vers sa perte, Tlaloc le savait, il en était à présent certain.