Appel à textes 5S Thème Le Sablier

Eh bien, j'ai écrit ça vite fait, j'attends vos critiques puisque de toute façon, il va falloir que je retravaille sérieusement :

APPEL A TEXTES DES EDITIONS 5EME SAISON POUR SOLSTICE.


THEME : Le Sablier

Le sabre miniature s’abattit violemment sur la figurine d’argile. Au contact de l’arme, la pièce vola en éclat, laissant quelques esquilles marron sur le tapis de jeu.
« Vous avez perdu, général » déclara le seigneur d’une voix impassible.
Le soldat leva les yeux vers son suzerain. Celui-ci gardait le regard fixé sur le plateau maculé de traces ocres, comme s’il réfléchissait encore à la partie qui venait de terminer. Le militaire ne savait que dire. En temps normal, il aurait dû quitter le salon privé du dauphin, s’inclinant sans mot dire pour le remercier de l’avoir gratifié d’une invitation. Néanmoins, le gradé Fezheon n’était pas certain du sens qu’avait véhiculé la simple phrase du prince. Voyant le doute du guerrier, Heldrin eut un sourire mi-figue, mi-raison.
« Allez au balcon, ordonna-t-il.
_ Votre Altesse ?
_ Faîtes, mon ami. »
Non sans lever un sourcil interrogateur à l’adresse de l’héritier du trône, Fezheon recula son fauteuil et avança d’un pas plutôt hésitant vers la tenture de velours qui garantissait une intimité relative aux personnalités influentes du château. Il écarta le rideau, le laissa entrouvert pour que son maître puisse l’observer à son aise et obliqua vers la droite. Les murs épais insonorisaient les salles et les fenêtres étaient doublées pour plus de confort. Aussi rien de la bataille qui se déroulait aux portes du palais n’était arrivé aux oreilles des joueurs. Tremblant, le combattant émérite pressa la poignée de la lourde porte adjacente aux vitres révélatrices d’un spectacle bien morbide. Le vent de l’hiver vint mordre les joues de Fezheon dès qu’il vit la brèche pour s’engouffrer dans la citadelle. Pourtant, rien ne fut plus cinglant que les cris sauvages des valeureux piquiers qui s’étaient engagés pour protéger la forteresse.
« Altesse ! » s’exclama le champion horrifié.
A une dizaine de mètres en dessous de lui, les corps tombaient en pluies. L’armée ennemie chargeait, bélier surpuissant qui s’étirait en un flux intarissable. Des archers bombardaient hommes et remparts de flèches enflammées qui entraînaient dans leur danse douleur et trépas. Des mercenaires aux armures clinquantes venaient transpercer les soldats de Fezheon de leur large cimeterre jusqu’au pied des bastions. Des dresseurs de loups attaquaient férocement le peu de cavalerie du Royaume : les montures des premiers mordaient les jarrets des seconds. Les chevaux s’écroulaient sur les dragons.
« Vous avez perdu, général, répéta Heldrin en posant une main gantée sur l’épaule frémissante de son sujet.
_ Pourquoi ? »
Et en prononçant ce mot, Fezheon comprit la raison pour laquelle cette question était si souvent posée au moment fatidique. Ce n’était pas tant un sentiment d’injustice, comme il l’avait imaginé pendant nombres d’années jalonnées de victoires triomphales, mais bel et bien une incompréhension totale. Cela n’aurait pas dû arriver. Les troupes adverses devaient traverser le pont dans la nuit et elles étaient supposées installer leur campement avant de reprendre leur marche vers la résidence royale. Entre temps, le gros des armées alliées se serait positionné afin de prendre l’envahisseur en étau. Sûrs de leur stratégie, Fezheon et les autres commandants avaient décidé de ne laisser que deux douzaines d’unités en garnison. D’une voix toujours aussi neutre, le dauphin répondit :
« Le temps était venu, tout simplement. Il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien. Tout finit par s’écrouler, tôt ou tard. »
Le soldat se retourna vers Heldrin. Quel étrange tableau ils dressaient à eux deux ! Le souverain stoïque, qui n’avait pas encore vu trente printemps, avec ses interminables cheveux d’une blancheur immaculée qui dégringolaient le long de son dos. Ses yeux brillaient d’une lueur orangée, révélant son ascendance, son être frêle semblait entièrement sous contrôle. Aucun des nobles traits ne se distendait pour divulguer un quelconque trouble. En face de lui, le colosse au regard noir embué de larmes. Bâti comme un géant des montagnes, dans son amure érodée, Fezheon paraissait pic enneigé que rien ne pouvait ébranlé. Toutefois ce jour-là, alors que de braves bleus se faisaient impitoyablement massacré quelques pieds sous lui, c’était l’habitué au sang, celui qui avait vu tant de conflits, tant de morts, tant de souffrances inutiles, c’était lui qui laissait des perles d’argent arpenter ses joues.
« Notre cause était juste… » murmura simplement le général alors qu’un sanglot se noyait dans sa voix.
Le prince Heldrin eut un rire sans joie. Un de ceux qui vient spontanément lorsqu’une futilité s’échoue sur la grève d’une conversation sans équivoque.
« Ne soyez pas si trivial, mon ami. Tout est une question de point de vue. L’Empereur est persuadé d’agir honnêtement en commanditant cette invasion. J’aurais pu empêcher notre Royaume de périr aujourd’hui mais c’était l’heure. »
Voilà que le sentiment d’iniquité surgissait au galop à l’instant où Fezheon ne l’attendait plus. Son regard croisa celui du monarque qui, comme son père, avait développé des dons de prescience. Il le prit au pied de la lettre. Heldrin savait. Heldrin n’avait rien fait. Sûr de lui, froid comme l’aiguille rocheuse en colère, le guerrier sentit pulser une haine dans ses veines, imprévisible et hargneuse. Il projeta cette fureur soudaine dans son cri de désespoir :
« Par tous les dieux, c’est votre peuple, Altesse, votre peuple qui vous admire et vous respecte, qui meurt aujourd’hui ! Ce sont vos enfants, que vous avez juré de sauvegarder quoiqu’il arrive, qui agonisent devant les enceintes ! Ils pourraient s’enfuir mais ils savent qu’ils sont la dernière ligne de défense entre vous et ces barbares impériaux ! Leur sacrifice ne servira à rien, votre chemin s’arrête ici aussi, vous en êtes conscient… Et vous n’avez pas levé le petit doigt pour empêcher cette boucherie ! »
Le prince affronta la tristesse de Fezheon avec un sourire pauvre. Après quoi, il fit volte-face, rentra dans l’appartement si calme et retourna s’asseoir, attendant manifestement que le militaire fasse de même. Ne supportant plus les hurlements bestiaux qui retentissaient dans la cour des miracles, ce dernier finit par retourner devant son seigneur.
« Général, pouvez-vous me dire quel est le but de ce jeu ? »
L’interrogé manqua de se mordre la langue de surprise. Néanmoins, il savait pertinemment qu’ Heldrin ne parlait jamais pour ne rien dire. L’air maussade, il répliqua :
« Au commencement, au hasard, un sablier est confié à l’un des compétiteurs qui devient la cible des autres. Ce sablier aurait le pouvoir de changer le cours du temps. Les adversaires sont supposés découvrir à l’aide d’un réseau d’espionnage quelle pièce détient l’objet sacré. Celui qui détruit le recéleur dans le temps imparti gagne. Si personne n’y parvient avant que le soleil ait fait un tour, l’assiégé l’emporte. »
Le châtelain acquiesça, appréciateur. Il frappa dans ses mains et une domestique sortit de la chambre princière, transportant un plateau d’argent sur lequel reposait une grande forme indistincte sous un voile opaque. Heldrin congédia la servante d’un signe de tête.
« Tout ça n’est qu’une plaisanterie, général Fezheon. Une partie de ce jeu abracadabrant scénarisé par une obscure force. Une partie qui ne va pas tarder à s’achever avec nous. »
Il saisit le tissu entre le pouce et l’index et tira d’un coup sec, stoppant du même geste la course effrénée du cœur de son compagnon. Un sablier de marbre blanc, aux proportions admirables, égrainait les secondes. Il ne restait qu’une infime quantité de ces petits cailloux jaunes dans la partie supérieure, la dune ayant fini par disparaître par le mince orifice reliant les deux hémisphères. Seules quelques particules subsistaient en haut mais tôt ou tard la fine ouverture faisant office de passage entre les deux ventricules les engloutiraient.
« Voici l’artefact qui fascine tous les grands parieurs, déclenchant l’engrenage de la guerre entre des nations plus puissantes les unes que les autres. Cette ère est presque terminée comme en témoigne le niveau du sable. Il y a encore un espoir. Un jour peut-être, deux grains se conjugueront pour bloquer l’entrée et retarder un temps l’échéance fatale. Il faut forcément une épuration de temps à autre.
_ Et nous en paieront les frais, n’est-ce pas ? Ne croyez-vous pas que vous auriez pu être celui qui aurait bouché le chenal grâce à vos connaissances ? »
Heldrin ne l’écoutait pas. Du doigt, il caressait la paroi de verre, taquinait le creux où tout se décidait, chatouillait les bases.
« Oui, il y a toujours un rayon dans l’obscurité la plus totale. Le tout est de ne pas abandonner le faisceau salvateur. Ne pas laisser la fatalité fallacieuse s’infiltrer dans notre âme. Un jour, oui… »
Les yeux de fauve du souverain s’attardèrent longuement sur cette idée avant de se tourner brusquement vers le guerrier, emplis d’une sévérité et d’une détermination que jamais ils n’avaient prises.
« Fezheon, ils ne doivent jamais le trouver, tu m’entends ? C’est bien plus capital que nos vies à tous ! Si jamais l’Empereur met la main sur le Sablier, il deviendra le maître du jeu. Le temps lui-même perdra sa liberté. Tu n’as pas idée de ce dont est capable cet engin de malheur. Il suffirait que je le retourne mais je n’ai aucune idée des conséquences que cet acte aurait. Personne n’a jamais tenté l’expérience. La légende raconte que tout recommencerait à zéro. Mieux vaut cela qu’une époque où l’Empire régnera sur tout et sur tous. Espère, Fezheon, espère ! Qui sait si l’un des grains restant ne coincera pas l’enchâssement ? »
C’était de la folie. De la pure folie émanant du plus rationnel des dirigeants. S’ils allaient tous expirer cette nuit, c’était le fait d’une superstition. Si Heldrin n’avait rien fait pour contrer l’invasion, c’était à cause d’une croyance aveugle dans le destin ! Que les Dieux soient les témoins de la disparition des honnêtes gens puisque malgré Leur inaction, le dauphin avait remis leurs existences entre Leurs mains !
Dehors, le ciel prenait une couleur rouge. Clin d’œil cynique au sang qui avait bariolé le sol ? Des nuages violacés affrontaient quelques cumulus blancs isolés, les réduisant en volutes en un rien de temps. L’astre du jour déclinait dans le couchant, s’empressant d’aller lui aussi trouver le repos, se réfugiant pudiquement derrière une petite colline. Une première étoile accrocha la voûte. Très bientôt, le noir s’abattrait sur la capitale du Royaume, camouflant honteusement la marée carmin. A l’intérieur du château et jusque dans la cour où les sabres avaient fini par rejoindre leurs gaines, seul le silence les cachait de la vérité. Du domestique le plus effrayé, au noble le plus fier, en passant par le roi Wilmar lui-même dans la salle du trône, aucun ne soufflait mot. Comme si le moindre son produit n’aurait fait que confirmer l’atroce réalité.
Dans le salon du prince, Fezheon avait renoncé à raisonner son maître. Quel intérêt puisque de toute manière, ils étaient tous perdus ? A la place, il avait préféré s’absorber dans la contemplation de la voie lactée, pour la dernière fois. Il aurait tant aimé pouvoir rentrer chez lui, dans la belle maison que ses fonctions lui avaient permis de s’offrir, retrouver sa femme pour une ultime étreinte, embrasser sa fille encore une fois. Au lieu de la tendresse à laquelle tout homme dans sa situation aspirait, il était réduit à observer le ciel sanguinolent et à jeter quelques regards en direction du tapis de jeu taché comme s’il s’agissait d’un funeste présage. Heldrin finit par se tourner à son tour vers la fenêtre :
« La peinture apocalyptique, n’est-ce pas ? » fit-il, rompant le silence.
La servante sortit de la chambre avec deux chopes pleines de nectar de prune, l’alcool favori du dauphin. En essayant de dissimuler ses larmes de détresse, elle repartit comme elle était venue. Heldrin saisit un des verres et tendit l’autre à Fezheon :
« Trinquons, mon ami.
_ A quoi pouvons-nous encore boire, Votre Altesse ?
_ A un jour nouveau. Et à l’espoir… »
Le combattant haussa les épaules, n’y croyant absolument pas, avant d’avaler une gorgée du liquide brûlant. Heldrin se contenta de fixer le sien. Il expliqua d’un ton badin :
« La petite Camellia m’aime beaucoup. Elle a sans aucun doute mis un zeste de ciguë dans mon nectar, persuadée que je souffrirais moins puisque de toute évidence, elle pense que je ne m’en sortirais pas. Elle n’a pas tout à fait tort. »
Le sablier laissa tomber encore quelques grains.
« Pour répondre à ta question de tout à l’heure, mon bon ami, non, finalement, je n’étais pas la pierre pour figer le processus. »
D’un trait, le prince vida sa chope. Son visage se paralysa et il glissa entre ses dents :
« J’avais raison. Poison rapide. »
Un bruit de grouillement derrière la lourde porte. Des rires rauques. Quand l’entrée céda sous le poids de leurs assassins, Fezheon vit Heldrin tendre une main secouée de violents spasmes vers le sablier. Au moment où une lame entrait en contact avec la peau du général qui n’avait osé dévisager les ennemis, le suzerain renversa le changeur de temps. Tout se mit à tourner lorsque les lunes s’envolèrent dans le ciel.

FIN

Tout d'abord il faut savoir que rare sont les textes laissés sur le net que je lis jusqu'au bout. Pour le tien, j'y suis arrivé sans difficulté !
Tu écris très bien loumia, ton style est très bon, bravo ! Et si tu a écris tout celà en une soirée alors là chapeau bas ! j'en suis presque jaloux
Après avoir lu ton texte une premier fois avec plaisir, j'ai entrepris de le relire, phrase par phrase, avec un oeil plus critique. j'ai abandonné car je ne faisais que pinailler.
Juste quelques petites choses:

-> "mi-figue, mi-raisin" et non pas "mi figue, mi raison"

->

Citation :

Des dresseurs de loups attaquaient férocement le peu de cavalerie du Royaume : les montures des premiers mordaient les jarrets des seconds. Les chevaux s’écroulaient sur les dragons.

plusieurs choses me chiffonne dans ce passage. Tout d'abord, si les loups sont des montures, je pense que tu devrais parler de Chevaucheur de loup plutôt que Dresseur qui prête à confusion.
Toujours dans cet extrait, je trouve que le passage après les ":" est un peu maladroit
Enfin d'où vient les dragons? je ne comprend pas l'image !

-> dernier remarque plus générale, tu veux faire du "beau" et du coup tu as tendance, par moment, à user un peu trop de métaphores, d'images, etc. qui peuvent alourdir les phrases et dérouter le lecteur dans la compréhension du texte. Enfin cela est plus vraie pour une nouvelle que pour un roman. Ceci dit je connais des personnes qui abusent bien plus que toi, je cherche surtout des axes d'amélioration sur ton style d'écriture qui a déjà atteint un niveau de qualité bien supérieure à la moyenne.

Oh là là je... je suis soufflée !
Je... je susi trop dans l'ambiance là pour dire quoi que ce soit mis à part que c'était génial...
je sens que je vais repasser, relire et... et donner mon avis précis...
oh là là...
c'est génial !!!

lol merci à tous les deux, je ne pensais pas que mon texte vous plairait autant, je me disais, un premier Appel à textes doit être bourré de fautes.

Merci énormément pour tes corrections lapin blanc ! (heureusement que tu as pointé ma faute de frappes, je passe souvent à côté lors des relectures). Merci pour le Chevaucheur, je n'arrivais pas à trouver le terme approprié (c'est l'un de ces mots sur lequel on bloque inexplicablement, j'avais mis monteur à la base mais ça faisait une sacrée redondance avec montures ) Pour les métaphores, je crois que ça vient de mon côté lyrique (il faut me tenir en laisse quand j'écris sinon je m'envole, j'effrayais sacrément mes professeurs en prévision du bac qui me disaient "calme toi, je t'en supplie !").

Merci beaucoup gab, j'attends ton avis avec impatience (même si je risque de ne pas pouvoir venir sur le net quelques jours).

je l'ai lu aussi il est vraiment bien ^^ me suis perdue pendant un moment parce que je savais plus qui etait qui ( mais àça c'est mi et ma super memoire des prenoms ... ^^")

vraiment bravo il est super !! *clap clap*

Merciiiiii Taya ^^

J'avais oublié de répondre à lapin blanc sur un point. Dragons n'est nullement une métaphore mais une indication sur le niveau armé du Royaume. En effet, il s'agit des cavaliers vers le XVIIIeme siècle qui commençaient à utiliser les armes à feu. Ca montre que malgré la primitivité de l'Empire, le nombre prévaut sur la technique...

Ah d'accord, je comprend mieux. mais alors tu devrais préciser quelquepart ce que sont les Dragons et mets peut être une majuscule au mot, cela prêtera peut être moins à confusion.

Merkiii, c'est corrigé ^^
J'ai fait aussi quelques modifs parce qu'en relisant j'ai vu que le style pêchait également de temps à autre

fiou joli
je suis toujours aussi skotchée par ton style loumie !!!!!!
(et dsl de pas avoir lu ca plus tot ou plutot dommage pour moi !!! ;-) )

Merci ma Clover !

Bon, j'ai fait pas mal de modifs au niveau stylistique vu qu'il y avait encore plein d'énormités et j'envoie le texte demain au plus tard ! *croise les doigts*